Whaou, je me suis qualifié pour une des disciplines d’apnée (le dynamique sans palmes) aux championnats de France. C’est géant, mon objectif premier cette saison est mon MEF1, mon objectif second était cette qualification. Je reviens de dix jours d’entraînement en Egypte auprès de Stéphane et de Laurent et je suis en pleine forme.
Mise en bouche
Je ne sais pas vraiment comment aborder cet événement d’une plus grande ampleur, alors je fais comme pour les autres compétitions. Diminution de l’entraînement la dernière semaine, limitation de la viande pour éliminer les toxines, optimisation du sommeil (pas très réussi d’ailleurs). J’arrive à Chartres dans un état d’esprit bien plus apaisé que pour Dunkerque ou je visais le dynamique, ici je me dis que je n’ai rien à prouver, juste me faire plaisir. Bon ben c’est plus facile à dire qu’à faire. En 2014, j’étais venu à Chartres en spectateur, avec ce doux rêve de passer de l’autre coté de la barrière. C’est chose faite, le truc c’est que de l’autre coté de la barrière il y a des choses en plus dans le sac : stress, pression, entourage qui nous suit. Laurent et Jean-Luc me l’ont suffisamment dit, pas besoin de se mettre la pression, les champions sont 100m devant moi, relax. Idem, facile à dire…
Installation
Toujours est-il, me voilà au centre aquatique de l’Odyssée. Je commence à connaître un peu de monde sur le circuit FFESSM apnée France, et c’est les mêmes têtes qui reviennent. C’est rassurant, mais la partie protocolaire des compétitions a toujours le don de me faire monter le rythme cardiaque. L’administratif est fait, direction le bassin. Il est beau, grand, métallique et impressionnant, il ne dégage pas la même énergie que les autres, étrange. Je retrouve mon coach et Sylvie, une place m’attend, ça va mieux. Je récupère au passage ma tenue officielle apnée Ile de France, trop la classe Merci Sylvie. Je retrouve l’équipe du stage de Dahab, Emilie, Svet, Xavier trop bien ! Je m’installe, et me reprend en main en faisant 20 min de méditation pour faire redescendre la pression accumulée depuis l’entrée dans la piscine. J’ai découvert une nouvelle pratique de méditation auprès de Xavier cela m’aide beaucoup. De manière générale, je suis en train de revoir mon rapport général à l’apnée à l’aide de Laurent et Xavier qui me poussent chacun avec leur message respectif vers une pratique plus douce et plus connectée de cette discipline. C’est assez dur pour quelqu’un d’énergique comme moi, mais j’accepte ce nouveau défi.
Je passe la fin de matinée à observer l’épreuve de dynamique avec palmes, il y a beaucoup de tensions autour du bassin, c’est presque palpable. Certains de mes amis ont du mal à se détendre, cela se comprend. Hop c’est l’heure du repas, un bon plat de pâtes et une banane et j’aurais digéré pour mon DNF. L’heure tourne, et je démarre ma préparation. La famille est arrivée, d’autres amis apnéistes apparaissent et me donnent le sourire Thibaut, Olivier, Christophe, Farida, Andy, Stephane), tout est au poil.
DNF
C’est parti pour du stretching souple, très souple, la musique me détend, et je ressens enfin ce qu’est un étirement souple, sisi Lolo, j’ai vraiment senti, j’ai même dansé en m’étirant ! Je me mets bien « high » comme dirait Xavier. A mince, coupé en plein stretching c’est le briefing pour le DNF, bon pas de bol, ils disent que c’est pareil que pour le DYN du matin, ouais ben moi j’ai pas fait le DYN , bon ben c’est pas bien grave hein, c’est comme d’hab je suppose.
Hop je retourne à mon tapis, bon énième passage aux toilettes, décidément mon transit capricieux n’apprécie toujours pas les compétitions. Observation du DNF de Sylvie, joli 100m ! Allez hop il me reste 30min, Laurent étire ma cage thoracique, fait du rangement dans mes organes comme il sait si bien le faire et pendant ce temps là je joue avec mes volumes respiratoires. J-15min, je me rapproche de la zone de départ et c’est parti pour 15min de relaxation au plus près du plot de départ pour limiter les efforts. Je plane bien, comme d’habitude, et mon prédécesseur de la ligne 3 me laisse la place. Je retrouve mes esprits, termine de m’équiper, me met dans l’eau à 2min du top départ. Je prend la température de l’eau, m’y relie, et je ventile un peu plus fort. Bon on a vu avec Laurent, je fais mon 100m et après je vois. J’ai préparé ma plongée sur les conseils de Stéphane et j’ai fait mon profil de plongée avec un doux rêve à 125m en 2min15sec.
Allez, dernière inspi et c’est parti. Belle poussée, je regarde le fond aluminium pour la première fois. J’aime aller repérer les lieux avant une compétition, mais à cause de mon emploi du temps, je n’ai pu libérer ce créneau. Je découvre donc cette piscine pendant ma glisse, étrange cet aluminium, les sensations, changent, l’impression de vitesse aussi. Je ne me focalise pas, Laurent m’avait prévenu. Je m’installe dans ma nage, j’arrive à 45m et la phase de confort est belle et bien terminée sniff. Allez, un beau virage et c’est reparti. Bon 65m (le dites pas aux orgas, j’ai fait pipi à ce moment là), le travail s’enclenche, je l’accepte, cela fait parti du jeu, 85m questionnement habituel du je tourne ou je ne tourne pas. Je tourne, fait ma plus belle poussée, ramène mes bras et je commence à contrôler si je suis toujours alerte. Pour être franc, ça cogne fort, je travaille dans mon envie de respirer et il y a l’idée de passer les 112m de Dunkerque. Je refais un mouvement, je contrôle si je suis là, ok c’est bon. C’est là que cela change, ce contrôle est plus flou, plus lent, la vue change, tout devient lent et moins net. Les questions au cerveau mettent du temps à trouver leur réponse. Je crois enclencher un dernier mouvement et je me dis que cette fois-ci cela suffit, il faut sortir. Je ne sais pas vraiment ou j’en suis coté distance, mais je prends cette décision, je lève la tête, je veux remonter, mais la surface est longue et dure à atteindre. J’émerge, attrape la ligne d’eau et la plus rien.
La syncope
Je reprends connaissance quelques secondes plus tard, puisque je suis toujours dans l’eau, dans ma ligne d’eau, mais sur le dos, je vois vaguement mes apnéistes de sécurité et le plafond de la piscine. Mon corps est flasque et mou, je sens qu’il pourrait réagir, mais je n’ai pas franchement envie de bouger. On me ramène au bord, ma ligne d’eau n’était pas contre le mur, on me sort le haut du corps de l’eau pour me poser sur le carrelage et un masque d’oxygène apparaît dans mon champ de vision. Je reprends mes esprits doucement, très très doucement, tout est encore lent, très lent. On me demande si je peux me lever, je ne réponds pas mais je me lève sans difficulté. Je n’ai pas envie de parler, je suis encore dans du coton, mais je ressens et analyse très bien ce qui se passe autour de moi. On m’emmène à l’infirmerie pour la mise sous oxygène, je viens de faire une syncope. Je comprends que Laurent est autorisé à venir avec moi et cela me rassure, il m’y emmène, on m’invite à m’asseoir et on me donne un masque avec de l’oxygène. Ok, il faut revenir à la réalité, analyser rapidement les premiers ressentis pour ne pas oublier. Laurent me parle et je lui demande si il a filmé. En effet, il a tout, et nous regardons le film aussitôt. C’est impressionnant, je sors de l’eau et je cumule une très grosse PCM avec une syncope. Effectivement, il me manque un bout du film en mémoire, les quelques secondes de PCM. Cela me fait du bien d’avoir le visuel de ce qui me manque et ce aussitôt. Le médecin est très pragmatique sur les faits et je suis très très content d’avoir été accompagné par mon coach à ce moment précis. Cela doit être dur de voir l’apnéiste que l’on a entraîné pendant un an syncoper à ses premiers championnats de France, puis de devoir garder la tête froide pour l’emmener en salle d’oxy et ensuite le récupérer « au réveil ». Du fond du cœur, Laurent, Merci, tu as été génial. J’ai bien vu en sortant de l’infirmerie que tu avais été affecté par l’événement, je souhaite que nous en sortions tous les deux grandis.
Je sors de l’infirmerie, et là c’est le retour à la réalité, tous mes amis, ma famille sont là et maintenant il va falloir, expliquer, assumer ce qu’il vient de se passer, pas moyen de faire machine arrière. Le premier mot qui me vient est « Oups », en gros : « Désolé, j’ai fais une bêtise ». Je m’explique comme je peux avec quelques apnéistes, et je file voir ma mère qui est en larmes. Certains de mes amis apnéistes ont « pris en charge » mes parents pour leur expliquer ce qu’il venait de se passer et de pas dramatiser davantage. Je leur avais parlé de la syncope, j’avais même montré une vidéo à ma mère pour la sensibiliser. Mais entre la vidéo d’un inconnu et le film en live de son fils, il y a une différence.
Analyse
Bon je discute avec pas mal de mes amis et je comprends plusieurs paramètres techniques :
- J’ai nagé trop lentement, à Dunkerque je fais 112m en 2min08 et là je vire aux 100m à 2min10, pour « sortir » à 125m donc en 2min40. C’est beaucoup trop, sachant que mon max en apnée dynamique à sec est 2min45.
- Ma sortie est calamiteuse, je bas des pieds comme en crawl pour remonter à la surface au lieu de faire un bon ciseau de brasse, j’étais déjà limite, ben c’est pire.
- Je n’ai pas fait assez d’auto-suggestion. En gros quand je vérifiais si j’étais bien là, ce n’était pas assez fort, j’aurais du être plus tenace sur ces questions et sortir dès que les réponses deviennent floues. La grande question qui reste est : est-on encore capable de prendre rapidement la décision de sortir à ce moment précis ?
Conclusion
Les 3 mots de la compétition :
- Compréhension : Car j’ai compris le calme et la détente que mon entourage me demande depuis des mois, reste maintenant à réussir à l’appliquer
- Détermination : Ben oui, malgré tout, c’était pas la compet du coin, et j’ai sûrement fait preuve d’un peu trop de détermination. Je n’étais pas en compétition contre les autres, mais contre moi même et mon 112m de Dunkerque.
- Apprentissage : Parce que je suis convaincu que je peux apprendre de cet événement. Que ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort, à condition d’analyser intelligemment l’événement en question.
Je remercie vraiment tout mon entourage pour votre soutien suite à cette syncope et rassurez vous je reste amoureux de cette discipline qu’est l’apnée. Je remercie les personnes qui m’ont sauvé la vie et dont je ne connais pas le nom. Et histoire de remonter à cheval après la chute, je suis retourné barboter aujourd’hui et « Ok, tout va bien ! »