Championnats de France apnée FFESSM 2018 – Montluçon

Cela fait 5 jours que c’est arrivé, et enfin je me sens d’écrire sur cette journée si particulière que le samedi 12 Mai 2018.
J’étais à Montluçon pour concourir dans deux disciplines : le dynamique sans palmes (brasse) et le dynamique avec palmes (monopalme). Le samedi était la brasse, le dimanche la palme. Samedi, à 130m j’ai fais une syncope en brasse, la deuxième de ma saison, la troisième de ma vie. Récit.

Introduction

C’est difficile de savoir par ou commencer pour raconter cela, ce que je peux dire, c’est que j’ai fais quatre erreurs majeures pour en arriver là :
– trop d’ego
– trop de surprise
– plusieurs suppositions
– trop de légèreté dans la stratégie

Avant de prendre les sujets point par point, voici ma course.

Retour sur ma course en DNF

J’immerge mes voies aériennes après un beau plein. Je pars sous l’eau avec les encouragements de mes collègues de la nage avec palmes, ça fait du bien un peu de chamboulement dans cette atmosphère tellement calme. Je pousse au mur, parfait, ni trop peu, ni trop fort, le travail et la répétition paye. Je glisse, relâché, j’enchaîne les mouvements, une belle alternance de deux mouvements de jambes pour un mouvement de bras, suivi d’un mouvement de jambe pour un mouvement de bras. Je répète ce schéma du début à la fin de la course. Le travail paye, la répétition paye, je nage relâché malgré l’envie de respirer qui s’installe vers 50m. Les poussées sont dosées, les mouvements appuyés et la glisse longue. Je suis un métronome, je parcoure 25m en 30 secondes, du début à la fin de la course. Je parcoure ainsi 125m. Le chronomètre affiche 2min et 30 secondes. Dans ma tête il n’est pas concevable de sortir ici alors que l’eau et mon corps me le demandent tous les deux. Un conflit fait place entre le corps et l’esprit. L’esprit sera le plus fort, je refais deux brasses, pas une, pas trois, deux. L’esprit se rend compte qu’il se trompe et enclenche la sortie. Malheureusement, les dés sont déjà joués. Il est trop tard, je m’endors l’espace d’une seconde sur ma ligne d’eau face à mes juges. Les championnats de France s’arrêtent par la même occasion.

Alors que c’est-il passé ? La course était parfaite, pourquoi l’avoir gâché de cette manière. Il est des raisons qui sont difficiles à voir de l’extérieur lorsque l’on assiste à une performance en apnée. Ces raisons ne sont pas forcément évidentes non plus pour l’athlète qui nage à ce moment. Ces derniers jours, très difficiles, ou je suis passé de la tristesse, à la déception en passant par la colère et la rage m’ont enfin amené un peu de calme et de paix et avec son lot de pistes. C’est dans le train ou je cours vers la verdure pour me ressourcer que j’écris.

Analysons ces 4 erreurs

1 – Trop d’égo

Qui suis-je pour décider que telle ou telle performance ne me convient pas ? Malgré tout, un chouillat d’égo permet parfois de dépasser ses limites. Samedi, j’ai décidé (sous l’hypoxie peut être) que 125m n’était pas « assez » pour « moi ». Que l’implication que j’ai eu dans mon sport ces derniers mois méritaient mieux, que « je » méritais mieux. Bilan des courses, je me prive de la course que je prépare depuis 1 an maintenant, le dynamique monopalme du lendemain. (Dans les compétitions du circuit FFESSM, si l’on réalise une syncope, lors d’une épreuve, on se retrouve disqualifié d’office des épreuves suivantes).

2 – Trop de surprise

C’est le mot qui ressort de ma bouche en sortant de l’infirmerie qui confirme que mes signes vitaux sont bons après cette syncope. Je me suis laissé surprendre par la sensation à 125m (j’oublie un autre paramètre : le chronomètre, qui sera abordé dans le chapitre suivant). A l’entraînement, je travaille beaucoup les débuts de performances, pas assez les fins et les sensations qui vont avec. C’est la méthode de travail de Marc et jusqu’à aujourd’hui, cela fonctionnait bien. Cela continue de marcher sur d’autres athlètes comme Magalie qui s’octroie un record de France en dynamique monopalme. Personnellement, je sens la limite de cette approche sur mon corps et mon mental. Le besoin de répéter des fins de performances pour affiner le ressenti quel que soit la distance et le chronomètre se confirme.

3 – Plusieurs suppositions

Je nage cette épreuve avec une conviction et une supposition.
Je suis convaincu qu’avec l’entraînement des derniers mois, ma capacité hypoxique a augmenté. C’est faux. L’application du point 2 et la répétition de performances longues à l’entraînement m’auraient remis face à la réalité des choses avant la compétition.
Ma supposition est qu’en laissant plus de glisse entre chaque mouvement de brasse je vais aller plus lentement, mais je compenserais cette lenteur par une moindre consommation d’oxygène car moins de sollicitations musculaires. Ceci ne fonctionne pas sur moi. Avoir diminué mon allure de nage pour aller chercher du relâchement à bien marché, par contre cela ne compense en rien la consommation d’oxygène de mon corps. Conclusion, aller chercher du relâchement dans la glisse me fait nager aussi longtemps et moins loin.

4 – Trop de légèreté dans la stratégie

J’ai très clairement sous estimé cette course. Je n’avais même pas envisagé le scénario perdant de celle-ci. On dit qu’il vaut mieux éviter de trop mentaliser les choses et ne pas trop alimenter l’arbre des possibles, là ce fut un excès de confiance.
Pour mon coach, l’objectif était clair : « valider une performance » quelle qu’elle soit afin de pouvoir appliquer le travail technique de la saison dans l’eau le lendemain avec la monopalme. En effet, cette saison j’ai passé beaucoup de temps dans l’eau à pratiquer la nage avec palmes avec le groupe élite de Oleg du Pays d’Aix Natation. J’ai fais de beaux progrès techniques sur mon ondulation et il était possible de montrer quelque-chose de différent des performances habituelles dans cette discipline.
Pour moi, l’objectif était de réaliser distance similaire à l’an dernier (153m) à plus ou moins 10m dirais-je en toute honnêteté. Je pensais me confier assez à mon coach, je me rend compte que je laisse encore des zones d’ombre dans la communication, ce qui amène à des suppositions de chaque coté. L’impact sur la stratégie est direct et j’en ai fais les frais.

La suite ? « Most people stop at suffering » – « La plupart des gens arrêtent à la douleur »

Benoit un ami très cher, me disait que mes articles sur les écueils étaient plus intéressants que ceux sur les succès. En effet, je ne détaille pas assez les succès alors qu’ils sont remplis de clés de progression également. Je suis retourné voir mes succès passés pour y trouver les clés de demain. Ma performance à Bouc-bel-air en Mars a été réalisée sur une allure de nage bien meilleure, ce qui donne : 139m en 2min20sec contre 130m en 2min40sec samedi à Montluçon. La lumière apparaît au bout du tunnel…

L’univers m’offre une dernière chance cette saison. Je vais à Belgrade aux championnats du monde AIDA fin juin.

J’ai un mois et demi pour :
– travailler mes allures de nage
– gagner en confiance en répétant des distances longues
– achever l’inachevé !

Merci à tous de me suivre, de me soutenir, de m’écouter, de m’envoyer des messages. La liste est longue et j’en suis heureux car vous composez ma motivation chaque matin de me lever et de briller ! N’arrêtez surtout pas !
Zoée, Florian, Maman, Papa, Marc, Marion, Xav, Albane, Hugo, Théo, Gabin, Oleg, Thierry, Etienne, Frédéric, Bruno, Eric, Valentine, Benoit, Moustak, ReivaX, SoX, Mork, Aurélia, Caroline, Sylvie, Seb, Hakim, Sabine, Jérôme, Céline, Caroline R.,

Merci aux marques qui m’aident et me soutiennent, Salvimar et Chabaud.

Merci à mon club d’apnée le PPA de m’avoir accueilli cette saison, merci au PAN également, j’ai tellement appris à vos coté les jeunes. Enfin, merci à la communauté du Pays d’Aix de m’avoir fait confiance et m’avoir octroyé ces créneaux d’entraînement matinaux.

Will Smith dit : « Self discipline is the center of all material success » – « La discipline personnelle est au centre de tous les succès »

Je règle mon réveil sur 6h00 et « Rise and Shine » – « Lève toi et brille »

2 réponses sur “Championnats de France apnée FFESSM 2018 – Montluçon”

  1. Salut Romain,

    Désolé pour ta syncope en DNF, je n’ai pas pu assister à ta sortie, étant donné que j’étais apnéiste de sécurité sur une autre ligne d’eau.
    En lisant ton analyse, j’ai l’impression d’y trouver en même temps une piste pour t’éviter ce genre d’incidents. Tu parles d’allure, de préparation de début de performance, d’esprit qui est le plus fort. Personnellement, je pense que l’esprit n’est plus fort que jusqu’à un certain point, et que la physiologie pure reprend le contrôle à un certain moment, d’où les syncopes. Par contre, cela ne veut pas dire que l’esprit n’a pas un rôle important, au contraire. Mais tu ne devrais pas l’utiliser à lutter contre ton corps. Je pense que c’est une erreur de se focaliser à tout prix sur un résultat, sur une préparation de début de performance. Pour des raisons que l’on ignore en grande partie, notre cerveau ne réagit pas toujours de la même façon à l’hypoxie. Si, par contre, au lieu d’utiliser ton mental pour lutter contre ton corps et vouloir atteindre à tout prix une distance fixée, tu l’utilisais plus pour t’ausculter en cours de performance (plus sur la fin que sur le début), tu t’éviterais peut-être des pcm ou des syncopes. L’idée étant de te mettre en place des protocoles d’auto-test de ta lucidité, des autochecks mentaux, un peu à l’image de ce qui se fait en statique, sauf que le stimuli n’est pas externe, mais propre à toi. Ce peut être des checks visuels, conceptuels, mémoriels, ça reste à déterminer selon tes aptitudes et tes préférences. L’important c’est que, à partir du moment où tu ne te réponds pas comme il faut à un check, même si tu n’as pas encore atteint la distance que tu t’étais fixée au départ, tu sors, et du coup tu évites la pcm ou la syncope. On a cet avantage en apnée indoor de pouvoir sortir la tête de l’eau et de reprendre une ventilation à n’importe quel moment, contrairement à la profondeur. Il faut utiliser cet avantage en terme de sécurité, et pour éviter de se faire disqualifier. Il vaut mieux une performance adaptée à tes sensations et à l’état de ton corps et de ton cerveau du moment, que de chercher à atteindre à tout prix une distance, quitte à outrepasser tes barrières physiologiques et d’aller au carton. Le mental ne doit pas lutter contre le corps, mais être à son écoute, en coopération avec.
    Voilà ce que je pense, et encore bravo pour ton entraînement et ta participation au Championnat de France à Montluçon.

    1. Merci pour ton retour détaillé Daniel ça fait plaisir. Merci pour les conseils, j’ai appliqué l’auto suggestion pendant un bon moment et m’en suis éloigné. Peut-être est-ce le moment d’y revenir.
      A bientôt,
      Romain

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